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mathematics and intuition
epistemology and experience
September 25-26, 2012 |Lisbon, Portugal
 

Invited Speakers {António Machiavelo . Maryse Maurel . Matthieu Haumesser . Michel Bitbol . Norma Claudia Yunez Naude . Pedro J. Freitas }



António Machiavelo

Mathematics Department, University of Porto [Selected biography] [Selected biography]


On the source of mathematical intuition

We will give some concrete and simple examples of mathematical results that seem do not depend on any experience at all, that are apparently necessary a priori, but that nonetheless have real and material consequences. We will argue that a proper evolutionary perspective helps to understand how this is possible. But in order to grasp what is going on, one must first tackle an old philosophical conundrum: what are the objects of study of Mathematics and what are their nature? This is what will do in this presentation, to then try to make clear the mysterious source of some mathematical intuitions.




Maryse Maurel

Institut de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques (IREM) Université de Nice–Sophia–Antipolis, France et Groupe de recherche sur l'explicitation (GREX) [Selected biography][Bibliographie]

 

La psycho–phénoménologie : théorie de l'explicitation

Prendre en compte le point de vue du sujet, c'est faire le choix du point de vue en première personne. Pour un sujet non expert, le chercheur doit utiliser une médiation, un entretien par exemple, pour recueillir un point de vue en deuxième personne ; il recueille ce qui apparaît au sujet comme cela lui apparaît.

 

L'entretien d'explicitation est un ensemble de techniques et de relances très précises qui accompagnent le sujet pour contacter un vécu passé spécifié (situation passée, réelle, appartenant bien à la biographie du sujet qui parle, et singulière c'est–à–dire unique) et pour produire de ce vécu une description psycho–phénoménologique, constituant ainsi des données en deuxième personne. Ces mêmes outils peuvent être utilisés par le chercheur dans une auto–explicitation pour recueillir des données descriptives en première personne. La théorie de l'explicitation est la psycho–phénoménologie, développée – tout comme l'entretien d'explicitation – par Pierre Vermersch [1–3].

 

Après une présentation rapide de l'entretien d'explicitation, je montrerai quelques unes des bases théoriques qui le fondent. J'insisterai plus particulièrement sur trois des points qui expliquent la possibilité d'accès au point de vue en première et deuxième personne :

 

  1. Le modèle de la passivité selon Husserl, qui justifie la possibilité d'accès à des données auxquelles nous pensons ne pas pouvoir accéder ;
  2. L'éveil provoqué d'un ressouvenir par une intention éveillante et le remplissement intuitif de ce vécu par l'acte réfléchissant qui nous donnent accès à des informations préréfléchies ;
  3. le guidage de l'activité noétique du sujet par des relances utilisant les effets perlocutoires du langage et le guidage de la description de cette activité noétique (introspection de l'introspection) dans un dispositif que nous utilisons pour nos recherches. On obtient ainsi dans un premier temps une description du contenu du vécu, et, dans un second temps, une description de la pratique de l'introspection rétrospective.

[1] P. Vermersch, Describing the practice of introspection, Journal of Consciousness Studies 16, (10–12): 20–57 (2009).

[2] P. Vermersch, Phénoménologie et explicitation. Pour une psycho–phénoménologie, Paris PUF (2012).

[3]P. Vermersch, L'entretien d'explicitation, Paris, ESF (1994).




Matthieu Haumesser

Professeur en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée A. Kastler – Cergy–Pontoise (France) [Selected biography] [Conference text]


Les possibilités de l'expérience.
Mathématiques, logique formelle et aperception empirique dans la Critique de la raison pure de Kant

Je me propose d'inscrire la question des mathématiques telles que les conçoit Kant dans un examen plus général du rapport entre expérience et a priori dans la philosophie critique. Les commentaires partent souvent d'un présupposé qui est loin d'aller de soi : une certaine dévalorisation, plus ou moins subreptice, de l'expérience et des « faits », par rapport à l'a priori et au « droit ». L'a priori peut en effet être considéré comme le soubassement légal, universel et nécessaire de notre connaissance, rendu possible par ces éléments « purs de toute expérience » que sont les concepts de l'entendement, les formes logiques du jugement, ou encore l'espace et le temps. La géométrie euclidienne, par exemple, tirerait sa valeur de ne rien devoir à des expériences, mais de procéder simplement par « construction de concepts » dans l'intuition pure. Les mathématiques seraient ainsi l'élément le plus central d'une valorisation de la connaissance pure et a priori, par rapport à une connaissance empirique plus instable et contingente.


Cependant, une telle lecture peut conduire à sous–estimer la thèse, inlassablement répétée dans la Critique de la raison pure, selon laquelle l'a priori n'a de véritable signification pour la connaissance que dans la mesure où il rend possible l'expérience. Et cela vaut aussi pour les concepts des mathématiques, comme le nombre, qui ne peut trouver son « sens » qu'en étant appliqué en fin de compte à des objets empiriques : les « doigts », les « grains de la tablette à calculer », ou des traits que l'on peut avoir « devant les yeux » (AK IV, 158). Ces affirmations apparemment un peu simplistes et déroutantes, concernant la connaissance la plus pure qui soit, peuvent inviter à mieux considérer la place et le rôle de l'a priori par rapport à ce qui reste le véritable point d'ancrage de la réflexion transcendantale et son seul horizon : l'expérience.


J'essaierai dans cette perspective de faire valoir une lecture qui prenne pour point de départ l'aperception empirique (plutôt que l'aperception pure), c'est–à–dire la pensée telle qu'elle est effectivement et concrètement vécue dans l'expérience. Cette aperception est forcément contingente, factuelle, et surtout mélangée : s'y entrelacent de manière confuse concepts, intuitions, mais aussi sensations, émotions, désirs, etc. Et c'est précisément parce que l'expérience entretient en permanence cette confusion que Kant cherche à remonter, dans une démarche analytique, aux « facultés » ou aux « éléments purs » qui la sous–tendent, qui la rendent possible, en y introduisant nécessité et universalité. Cependant, il est tout aussi essentiel à la compréhension de la pensée critique de comprendre que l'aperception empirique, en vertu de cette confusion – à laquelle on peut aussi donner le nom plus positif de synthèse –, est toujours ce dans quoi vient s'attester l'usage, la réalisation effective, et l'interdépendance de ces mêmes facultés.


L'expression « possibilité de l'expérience », si récurrente dans la philosophie critique, pourrait alors prendre un double sens : elle désignerait ce qui au niveau de l'a priori rend possible l'expérience. Mais elle désignerait aussi (et indissolublement) l'ensemble des potentialités qui sont virtuellement contenues dans l'expérience elle–même, qui doivent se réaliser et s'articuler en dernier ressort dans une aperception empirique, faute de quoi précisément elles ne resteraient que virtuelles. On pourrait ainsi relire à partir de là le statut de la logique formelle, des mathématiques, ou de l'espace, et le lien qui les unit étroitement chez Kant à l'imagination.




Michel Bitbol

CREA / CNRS, ENSTA, 32 Boulevard Victor, 75015 Paris (France) [Selected biography]


Introspection, from its disappearance to its rebirth

Even before its extensive use in psychology during the turn of the nineteenth and twentieth century, introspection was criticized for philosophical reasons. Later on, after a short–lived burst of work in this field essentially in Germany, France and the United States, introspection came under such intense attacks, from behaviorists as well as from its own ranks, that it (apparently) disappeared. Many psychologists overtly discarded it, even though they were unable to dispense completely with it in practice. In recent years, a strong movement of renewal and redefinition of introspection has been witnessed. One may then raise several questions of epistemological relevance about this renewal. What did change between nineteenth century introspection and current introspection? Are the conditions for a successful study of first–person experience now fulfilled? Was the eclipse of introspection unavoidable?

 

In an attempt to answer these questions, it is argued that this failure of the introspectionist wave on the turn of the 19th/20th centuries is mostly due to its unconditional acceptance of the representationalist theory of knowledge. A renewed definition of introspection as enlargement of the field of attention and contact with re–enacted experience, rather than "looking–within", is formulated. This entails (i) an alternative status of introspective phenomena that are no longer taken for revelations of some an sich slice of experience, but as full–fledged experiences; and (ii) an alternative view of the validity of first–person reports as "performative coherence" rather than correspondence. A work–in–progress empirical study of the self–assessed reliability of introspective data using the explicitation interview method is then sketched. It turns out that subjects make use of reproducible criteria in order to probe into the authenticity and completeness of their own introspective reports. We conclude that introspective inquiry has enough resources to "take care of itself".




Norma Claudia Yunez Naude

Centre d'Epistémologie et d'Ergologie Comparatives (CEPERC), UMR 7304 Université d'Aix – Marseille (France) [Selected biography]


L'imaginaire scientifique entre subjectivité et objectivité

Comme bien des catégories, l'usage de la notion d'imaginaire au singulier risque de faire négliger la complexité de sa fonction dans l'activité créatrice en sciences. Après avoir précisé et délimité cette notion, mon propos sera d'explorer la tension entre la singularité de la pensée créative et la vocation universelle de la connaissance scientifique en prenant pour axe thématique l'imaginaire en mathématique et en physique. Renforcé par la séparation entre le langage et la pensée, l'imaginaire se constitue à partir d'une double filiation : endogène puisque le pouvoir de l'imagination, le geste créateur, dans l'expérience vécue concrète varie selon les individus, et exogène, car la capacité de produire des nouveaux concepts et symboles dépende de référentiels communs à une culture scientifique. Images strictement individuelles, voire subjectives, qui se cristallisent parfois en objets, en concepts universels, transculturels. L'imaginaire s'extériorise ainsi en œuvres scientifiques, voire œuvres technologiques ou artistiques, qui servent de relais à l'imaginaire subjectif. Entre l'universalité de la connaissance scientifique et la diversité irréductible de l'expérience vécue du sujet comme auteur de ses représentations, est-il possible de trouver une solution de continuité ? Une telle question serait-elle si mal posée qu'elle deviendrait une source de difficultés ? Pour y répondre, j'entamerai un parcours à travers deux approches philosophiques divergentes. Bien que Granger ne propose aucunement une théorisation philosophique de l'imaginaire, son approche stylistique de la pensée créatrice en sciences est instructive en ce qui concerne la « transmutation » du vécu en « forme objectivée ». Je chercherai cependant à montrer certaines insuffisances de cette approche épistémologique novatrice et discuterai de la lumière que peut jeter une démarche phénoménologique sur le problème de l'imaginaire.




Pedro J. Freitas

Department of Mathematics of the Faculty of Sciences, University of Lisbon - Portugal [Selected biography]


A mathematician's view on mathematical creation

In this talk we present a personal view on the creative work in mathematics, in which we will consider several aspects: the social and cultural background for the mathematical work, the personal mathematical upbringing of a mathematician and the specific creative moments which give rise to an advance in mathematical knowledge. We will also try to address the problem of the relation of this progress with applications and to common intuition.